Courte biographie musicale en forme de veau


    La professeure de solfège de la petite école de musique de Saint-Étienne n’avait sans doute pas mauvais fond - il est en tout cas permis de le penser avec le recul. Mais de son imposante stature que, quelques années plus tard, j’aurai volontiers qualifiée de fellinienne, de sa voix haut perchée et sa prosodie anguleuse, le tout dressé en statue du Commandeur et nimbée d’effluves doucereux de craie et de détergent, se dégageait une certitude inaugurale et, pour l’enfant impressionnable que j’étais, peu engageante : ça n’était pas ici qu’il y aurait ne serait-ce qu’un instant de flottement. Ça sera tiré au cordeau ou ça ne sera pas.

   (Morton Feldman, qui choisissait avec une pondération circonspecte ses notes aussi bien que ses mots, affirmait que la tragédie de la musique est qu’elle ne commence qu’avec la perfection. Il y aurait peut-être beaucoup à dire au sujet de ce mot dans ce contexte, « tragédie ». D’autres, pour qui les choses doivent tôt ou tard et de gré ou de force se rétracter dans l’unilatéralité d’un principe, auraient plutôt évoqué un drame. Bien. Mais pour le moment là n’est pas la question. La question est déjà un peu celle-ci : si c’est bien une tragédie, que la musique ne commence qu’avec la perfection, alors où est l’adverse ? Quelle est-elle, l’entité antagonique - autant que nécessaire ? Cet opposé, cette qualité fatale pétrie de mal-foutu, de mal-équarri et d’un je-ne-sais-quoi de boiteux sans quoi, puisque nous parlons bien de tragédie, la musique n’est pas plus musique que si elle se trouvait privée de sa parfaite perfection ? Bon… Très bien. Mettons que la question soit aussi celle-ci. Mais, disons, pour l’immédiat elle est surtout celle-là : que la perfection d’un flottement, en ces années de lumière hivernale dans la cour intérieure de la petite école de musique de la rue Léon Nautin, ça n’était pas envisagé. Et pour poser question, ça posait question).


   Une année plus tard, tel était le protocole, nous avons commencé à bûcher l’instrument. Un pied sur le repose-pied, vrillé d’un quart de tour à gauche, main droite pendante au niveau de la rosace, et bien décontractée. Étrange position. Bien loin et de Brassens et d’Angus Young. Mais bon. Suivons le guide. En l’occurence le guide est un vieil homme d’environ vingt-cinq ans. Aux pantalons de velours grosses côtes, à la barbe et aux cheveux mi-longs et avec un minimum d’expérience on aurait débusqué le baroqueux. Bien vu. D’ailleurs le répertoire n’aura jamais poussé plus loin que Bach. Tant mieux.
   Mais le vieil homme a un vice. Souvent au cours de la leçon, pour le plaisir, pour l’exemple comme pour le contre-exemple, il joue quelques mesures « qui d’ailleurs n’en sont plus » de ce qu’il appelle sans trop s’y attarder la "musique contemporaine". Émerveillement. Et, sans qu’il fut possible de se douter une seconde qu’ailleurs aussi on appelait ça "musique", ça ressemblait à quelques uns de ces moments suspendus qu’on pouvait alors entendre à la télé et qu’on put, par la suite, attribuer à György Ligeti ou, dans un autre genre, à John Cage. Émerveillement en tout cas. D’où, de surcroît, on pouvait déduire que chez Byrd comme chez Bach, si on veut bien, ça peut flotter aussi.

   Les années se succèdent.
   Puis se succèdent encore.
   Et se succèdent encore un peu.
   Et puis c’est « À nous deux, Paris ! ».

   « À nous deux Paris », c’est d’abord les sentines des petits clubs où, avant le concert, on se replie tout flageolant le temps de quelques exercices respiratoires, les loges des petites salles, idem, et le hors-champ de toute scène en général (mais pourquoi faut-il donc que tout ce qui n’est pas prévu pour être donné en spectacle soit toujours aussi immuablement rébarbatif, blèche ou disgracié ?). Et aussi la scène, donc. On joue du jazz à peu près manouche, de la chanson artistique, du rock méticuleusement alambiqué. Tout flageolant encore de l’intérieur, bien souvent. Que se passe-t-il ?
   L’orage gronde au loin, une crise approche, c’est sûr.
   Malgré toutes les ruses de l’âme on commence à s’avouer qu’il y a quelque chose de pourri au royaume d’À-Nous-Deux-Paris. Impression de plus en plus tenace qu’il faut faire table rase - comme si ça pouvait exister, de faire table rase…
   Mais, quand même, on fait table rase.

   On bazarde les guitares, on trouve un emploi de coursier à mi-temps, mais surtout on s’arrime au piano, jazz et classique. On prend ses quartiers au conservatoire du VIème arrondissement, à deux pas des quais. On explore tous azimuts. L’appétit est grand et se nourrit de l’appétit des autres. Des rencontres se font. On se met du coup à l’écriture d’un tout autre répertoire, pour quartette.

   En conséquence de quoi, deux ans plus tard, rebelote : sentines et recoins, flageolements internes, inspirations, expirations… On s’accroche. Ça finira bien par passer… Et, miracle, ça passe. D’un seul coup d’un seul on réalise qu’après tout aucune espèce de loyauté ne nous lie en fait à ce fantasme scénique dont l’incubation remontait à la première crise d’acné. En substance, ne demandons plus au cachalot de faire tourner la noria. On a plutôt sa place dans le repli, c’est l’évidence même. Où, dans le repli, on se mit à écrire aussi avec des cordes, des cuivres, des bruits, pour soi, pour des installations d’art contemporain, des courts-métrages de fiction, du théâtre, des documentaires…
   Et à partir de là il n’y a plus grand chose à dire. C’est comme ça que ça continue depuis, avec les cahots inhérents, les volte-face et les bifurcations. Un train-train sur lequel il n’est vraiment pas utile de s’attarder. Sauf peut-être pour en écouter le battement.


CV succinct.


Musique, montage son et mixage des parcours sonore

         L’Amour dans les Cités

         Le Rac, Boyenval, Duquesnel...

         Sur les traces des 3000
         Kygel Théâtre

Musique des pièces de Théâtre
Fierté et Ça brûle
         Kygel Théâtre


Montage son et mixage des films de Fatima Sissani

         La Langue de Zahra. 24Images Production

         Les Gracieuses. 24Images Production

         Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans. 24Images Production

         C'est une belle carte postale... Production Les yeux grands ouverts


Musique des documentaires
L'Abri, Dans la Maison Rouge, Les Européens à découvert
         de Marie-Élise Beyne. (Sharing Productions, La Chambre aux Fresques, Jem Productions)


De Marie-Élise Beyne également, musique, montage son et mixage des films :

         Revoir Cergy. Macalube Films

         Chemins croisés de danse. Les films d'Augustine

Musique, montage son et mixage du documentaire de création

          Day by day de Guillaume Viry. Production Walter Films

Montage son et mixage de la série
Semences Buissonnières
         Production Forum Civique Européen. Édition DVD.

Montage son et mixage de la série
Mémoires de Bamiyân
         Webdocumentaire. 24Images Production

Montage son et mixage du documentaire
Mauvais Élèves
         de Sophie Mitrani & Nicolas Ubelman. Production Staraya Films


Musique des films de la série "#", toujours en cours,

          en collaboration avec le photographe et vidéaste Pascal Sentenac.


Montage son et mixage du documentaire
L’Île
         de Julia Laurenceau. Production Macalube Films

Montage son et mixage du documentaire
Burqa Boxers
         de Alka Raghuram. Production 24 Images

Musique du documentaire
Passeports pour Vittel
         de Joëlle Novic. Injam Productions


Mixage du documentaire Jean-Loup Trassard
         de Pierre Guicheney. 24Images Productions.

Mixage du documentaire
Résistants du 9ème Art
          de Nicoletta Fagiolo. 24Images Productions


Montage son et mixage des films de Laurent Savariaud

          Portrait d'une démocratie Zarafilm

          La loi du genre C Ton Film Productions


Montage son et mixage de la série Les Procès de l'histoire

          de Ghislain Vidal. Injam Productions


Mixage du documentaire
Missi Malo ani Djegue
          de José Ainouz. 24Images Productions


Mixage du documentaire
L’École du Voyage
     de Joëlle Novic. Injam Productions


Musique du documentaire
Les Jours d’Après
         de Réjane Gonin Varrod. Z’Azimut Films

Mixage du Making Of du film de Bertrand Blier
Combien Tu
          m’aimes » et du documentaire Portrait de Bertrand
         
Blier de Myriam Touzé. Fidélité Productions, édition DVD.

Musique de
L’Album Perdu de Vladimir Ilitch Oulianov L.
          Textes et photographies de Philippe Bertin.

Dolls Invaders Musique pour une installation de la
         plasticienne Jessy Deshais dans le cadre d’une résidence
         aux ateliers d’art contemporain de l’Hôtel de Guînes,
         Arras.


Écriture, réalisation et musique du court-métrage Ondes
      Une production du GREC (Groupe de Recherche et d’Essais
      Cinématographiques). Compétition européenne au
      festival du Havre 2008.




Share by: